La forge à la catalane : modernité d’une sidérurgie ancienne aboutie (I)

Par Francis DABOSI, Professeur d’Université honoraire

 

Extrait d’un article de 4 pages, à suivre, avec dessins et schémas

 

Il peut paraître insolite de s’intéresser ici à un outil de production du fer apparu au 17e siècle dans les Pyrénées. La forge à la catalane, économe en charbon de bois (combustible), participe au développement durable; elle s’apparente aux objectifs des moulins par sa gestion des sources d’énergie (bois, eau et air) et d’optimisation des rendements.

Pour saisir l’originalité, les apports …et les causes de la disparition de ce fleuron d’une sidérurgie innovante en son temps, on ne peut s’affranchir de la description -même succincte- des étapes techniques qui jalonnent l’histoire du fer, notamment dans les Pyrénées, creuset d’excellence de son expression.

 

Ce texte répond à mon souci de rendre parfaitement intelligible et attractive cette discipline technique ancienne jamais traitée dans les manuels d’enseignement.

La forge à la catalane est l’un des fleurons de l’histoire du fer qui débute vers 2000 av. J.-C. sur les bords de la Mer Noire. Les Chalybes notent dans le cuivre extrait de sables noirs la présence de particules brillantes. L’avenir apprendra qu’il s’agit du fer, jusqu’alors inconnu ! La Grèce produit ses premières loupes de fer vers -1200, L’Europe Occidentale, 6 siècles plus tard. (figure 1)(1). Cette lenteur est liée à des contraintes techniques : les minerais de fer doivent, en effet, être réduits dans des fours à des températures d’au moins 1200 à 1300°C pour produire le fer pur, très oxydable, alors que 900 à 1 000°C suffisent pour produire le cuivre, de surcroît moins réactif ! S’y ajoute un frein économico-politique lié au secret des savoir-faire, garant du pouvoir de ceux qui les possèdent.

 

Comment produit-on le fer ?

Les minerais sont réduits dans des fourneaux (ou fours) et rendus en partie fusibles. Il faut y réunir le minerai, le combustible (agent de réduction) et l’air (agent comburant injecté). La loupe de fer brute obtenue est ensuite épurée par cinglage puis mise en forme par un forgeage adapté à l’objet recherché. Le protocole des opérations constitue la chaîne opératoire qui, pour le fer, se scinde en 2 filières de production :

La réduction directe en bas fourneau; c’est la plus ancienne en Europe ; on obtient une éponge de métal solide ou pâteux, avec élimination de scories liquides. Cette filière va conduire, vers 1650 à sa version technique la plus aboutie : la forge à la catalane.

La réduction indirecte en haut fourneauapparue vers le 14e siècle en Europe (en Chine, vers -700 av. J.-C.). On obtient la fonte liquide, très carburée (à 3 à 5% C), qui par affinage dans un convertisseur (décarburation contrôlée) conduit au métal pur ou aux aciers (à 0,1 à 1,3% C) . Cette sidérurgie lourde connait son plein essor entre 1870 et 1970. En 1910, naît la sidérurgie fine au four électrique des aciers spéciaux.