Moulins du monde. La Grèce restaure ses moulins à vent

Les moulins de Charles Pictet et Europe Nostra, par Jean Moreau

 

Un mécénat exemplaire. Retraité, le banquier privé genevois Charles Pictet s’est engagé en faveur de la préservation du patrimoine sur l’île grecque de Patmos, faisant partie de l’archipel du Dodécanèse dans la mer Egée. Il a été distingué récemment par le prix Europa Nostra décerné par un mouvement citoyen pour la sauvegarde du patrimoine culturel et naturel européen.

Attristé à l’idée de les voir disparaître Charles Pictet décide d’en acheter un pour le restaurer. L’opération s’avère plus compliquée que prévu, car les moulins appartiennent au monastère. Le projet voit pourtant le jour et ce n’est alors pas un, mais les trois moulins du domaine qui sont rénovés, le monastère de Patmos demeurant maître d’ouvrage.

Situés au sommet de la colline de Chora, sur un site inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco et lieu historique de pèlerinage, 2 des moulins datent de 1588 et le troisième de 1663. A partir des années 1950, date de l’arrêt de la production de farine, ils avaient été progressivement abandonnés.

Le projet de restauration, qui s’est déroulé sur 5 ans, avait pour objectif de leur redonner leur aspect originel mais également de les rendre productifs à nouveau. C’est le cas de l’un d’entre eux dont la production de farine a recommencé il y a quelques mois. Les 2 autres sont appelés à jouer un rôle touristique et éducatif, véritable musée à ciel ouvert pour le public.

La récompense la plus honorifique d’Europe*. La remise du prix Europa Nostra de Lisbonne en 2012, décernée aux 3 moulins à vent de Patmos lauréats, par Madame Androulla Vassiliou Commissaire Européenne à la culture, en présence du Président José Manuel Barroso, se concrétisa en juin 2014 sur le terrain par leur remise au vent. Cette haute instance européenne a fait l’honneur de sa présence dans l’ile de Patmos. Madame Snescka Quaedvlieg-Mihailovic, Secrétaire Européenne d’EUROPA NOSTRA, y dévoila la plaque commémorative. Quant à Charles Pictet, il a été nommé citoyen d’honneur de Patmos et décoré de l’Aigle d’or de Saint-Jean. Une distinction qu’il accueille avec discrétion : « C’est naturel de redonner, lorsqu’on a eu de la chance. » (Odile Habel)

Etonnant retour aux sources. Jean Moreau représentait la FFAM lors de cette cérémonie inaugurale. Il a exposé le fonctionnement des moulins à meules à cette délégation européenne à la Culture. Invité depuis le début à participer à ce projet, Jean Moreau, à titre personnel, s’est rendu plusieurs fois sur l’ile de Patmos, notamment pour la taille des meules et pour l’initiation de meuliers d’Athènes, ainsi que pour dispenser une formation à 7 meuniers, afin de chercher à mettre en œuvre une filière de farine bio locale, faire redécouvrir la bonne farine de meule et le goût du pain de meules, oublié depuis 70 ans pour les 3 000 âmes patmiotes qui résident à l’année dans cette petite île.

Un avenir pour les moulins vivants de Patmos. La responsabilité et le fonctionnement de ces moulins est confié à Corinne Bodmer, épouse de Marc Bodmer navigateur. Elle anime un groupe de passionnés autour de ce centre d’intérêt devenu des plus importants et incontournable de l’île. Elle va y initier la renaissance de la culture du blé panifiable, céréale absente depuis bien longtemps. Son but est d’encourager à partager de manière durable et équitable la production de farine panifiable sur l’île et de permettre la visite des moulins dans un but pédagogique et de conservation des traditions. Quant aux boulangers locaux, désormais convaincus de l’intérêt des farines de meules, ils s’impatientent de rejoindre cette petite filière dont la traçabilité humaine devient clairement identifiable et ajoute un peu plus d’intimité à l’île de Patmos !

*Europa Nostra récompense les plus significatives restaurations patrimoniales réalisées sur son continent www.europanostra.org